L'ouvrage de King peut se résumer tout entier dans l'idée qu'il se fait de la liberté, et dans la manière dont il cherche à concilier cette idée avec le principe de l'optimisme. Dans son opinion il n'y a pas d'autre liberté que celle qu'on appelait dans l'école la liberté d'équilibre ou d'indifférence, c'est-à-dire le pouvoir d'agir sans motif, sans but, sans raison préexistante. Chacune des autres facultés dont nous avons connaissance a un objet déterminé, auquel elle se lie d'une manière invariable, et dans la possession duquel elle trouve sa perfection. La liberté, au contraire, a son objet et sa perfection en ellemême : c'est son caractère le plus essentiel de se suffire entièrement ; et non-seulement elle se suffit, mais elle commande, en quelque sorte, à la nature des choses : car c'est elle qui les rend bonnes ou mauvaises, selon qu'elle les choisit ou les rejette. Il dépend d'elle, pour la même raison, d'augmenter les jouissances et d'affaiblir les privations que nous éprouvons ; par conséquent, elle est, à la fois la première source de l'activité, de la moralité et du bonheur. La liberté ainsi comprise appartient nécessairement à Dieu : car la volonté divine crée les qualités des choses, comme les choses elles-mêmes: de d'autres termes, il n'y a rien en bon ni de mauvais en soi, qui ait pu déterminer a priori le choix du Créateur; mais c'est ce choix lui-même qui a fait naître la différence du bien et du mal; penser autrement c'est, d'après King, refuser à Dieu la liberté. Toutefois cette indifférence de la volonté divine n'existe que par rapport à ses déterminations premières. Il n'en est plus de même de ses déterminations ultérieures. Ainsi Dieu, en principe, n'a suivi que son libre arbitre en créant l'homme; mais une fois l'homme créé, il n'a rien voulu de contraire à la nature humaine ; il a été conséquent avec lui-même. Dieu a donc sous les yeux toute la suite des choses qui se lient avec son choix : il les veut toutes d'une seule et même volonté; et comme il est d'une bonté infinie, il veut le bien partout, dans l'ensemble comme dans les détails de son oeuvre. Aussi, quelques parties de l'univers ne pourraient-elles être mieux, que d'autres ne fussent plus mal, et qu'il n'en résultât un système moins parfait. C'est ainsi que l'idée de l'optimisme vient s'ajouter à celle de la liberté d'indifférence. L'homme est libre de cette même liberté que l'on vient de nous montrer comme un attribut essentiel de Dieu. Les motifs qui paraissent agir sur nous sont le résultat et non la cause de nos déterminations ; loin de faire notre volonté, ils sont en quelque sorte faits par elles, et toute la force que nous leur attribuons est dans le choix même dont ils sont l'objet. Cette doctrine n'est pas nouvelle ; elle a été soutenue au moyen âge par Duns-Scot contre saint Thomas d'Aquin; elle a été reprise au xviie siècle par Descartes, qui faisait dépendre de la volonté divine les vérités les plus absolues de la raison; mais nulle part elle n'a été développée avec autant de force et d'étendue que dans le livre sur l'Origine du mal. Voy. les Remarques sur le livre de W. King, à la suite des Essais de Théodicée de Leibniz.
Dernière mise à jour:2009-02-25 13:46:00 |