Son père, qui exerçait la profession de tanneur, était assez instruit lui-même pour diriger les premières études de son fils. Doué des plus heureuses dispositions, il montra dès l'enfance la plus grande ardeur de s'instruire, et son génie philosophique s'éveilla de bonne heure. Dans les classes supérieures du gymnase qu'il fréquentait, ses maîtres n'étaient pas d'accord sur l'importance de la philosophie. L'un d'eux, homme de mérite d'ailleurs, en parlait en toute occasion avec mépris, et son mépris s'adressait surtout à la philosophie de l'école. Les autres, au contraire, recommandaient l'étude de la philosophie comme indispensable, et appelèrent son attention sur les écrits de Descartes et sur la logique que Tschirnhausen avait publiée sous le titre de Medicina mentis. Ce désaccord entre des maîtres également respectés stimula vivement sa curiosité; malheureusement, les œuvres de Descartes n'avaient pas encore pénétré jusqu'à Breslau. Destiné à la théologie, et déjà initié à la polémique du temps, très-vive surtout dans la Silésie protestante, qu'on cherchait à ramener au catholicisme, il fut frappé de la stérilité des discussions scolastiques. Il se demanda s'il ne serait pas possible de présenter les vérités théologiques de manière à les faire accepter par tous. Ses maîtres lui disaient que les mathématiques étaient d'une évidence invincible. Se persuadant que cette évidence résultait principalement de la méthode, il résolut, comme il le dit lui-même dans son autobiographie, d'étudier les mathématiques, methodi gratia, afin d'essayer de donner à la théologie aussi une certitude irréfragable. C'est dans cette intention qu'il se rendit, en 1699, à l'université d'Iéna, où, à côté de la philosophie de Descartes et de celle de Tschirnhausen, il étudia les mathématiques et la physique. En 1702, il passa à l'université de Leipzig, pour y prendre ses grades; il y soutint une thèse sur la philosophie pratique mathématiquement démontrée (Philosophia pratica universalis, mathematica methodo conscripta, 1703). Il était à celte époque encore rempli de l'esprit de Descartes, dont il se proposait d'appliquer la méthode aux sciences morales; mais ayant été mis en rapport avec Leibniz, il ne tarda pas à devenir son disciple. Appelé à Halle, en 1707, comme professeur de mathématiques, il fit également, et avec un succès toujours croissant, des leçons sur la physique et la philosophie. Plusieurs ouvrages en allemand et en latin lui firent bientôt une réputation au dehors. Mais en même temps, il s'éleva un conflit déplorable entre lui et les théologiens de Halle, où régnait alors une orthodoxie pietiste, qui regardait la raison comme une ennemie de la foi si elle refusait d'en être l'esclave. Le professeur Lange, inspiré aussi, à son insu peut-être, par des intérêts personnels, cherchait à détourner les étudiants de suivre les cours de Wolf, et le vénérable Francke, le saint Vincent de Paul protestant, partageait a cet égard l'opinion de Lange, et demandait que l'enseignement de la philosophie fût interdit à Wolf. Celui-ci, de son côté, ne ménageait pas les théologiens, dont il critiquait surtout la manière de prêcher. La guerre entre eux et lui éclata plus violente, en 1721, à l'occasion d'un discours sur la philosophie morale des Chinois (Oratio de Sinarum philosophia practica, in-4, 1726), qu'il prononça dans une solennité académique, et dans lequel il faisait l'éloge de la sagesse pratique de Confucius. La Faculté de théologie adressa au gouvernement une plainte dans laquelle on accusait la philosophie de Wolf de favoriser, par ses conséquences, l'irréligion et l'immoralité, en conduisant à l'athéisme et au fatalisme. La commission nommée à Berlin pour examiner l'affaire, s'étant montrée peu favorable aux accusateurs, ceux-ci s'adressèrent au roi lui-même par l'intermédiaire de Gundling, qui était à la fois président de l'Académie et le bouffon de Frédéric-Guillaume. On représenta, dit-on, à ce prince, étranger à toute culture intellectuelle, et qui n'estimait que le clergé et le soldat, que, suivant la philosophie de Wolf en vertu de l'harmonie préétablie, tous les mouvements de l'âme étant prédéterminés, un déserteur n'était pas réellement responsable de sa fuite, et, par conséquent, ne pouvait être légitimement puni. Cette conviction une fois entrée dans l'esprit du roi, la perte du philosophe était assurée. Un rescrit royal du 8 novembre 1723 destitua le professeur Wolf, et lui enjoignit, sous peine de la corde, de sortir dans deux fois vingt-quatre heures des États prussiens, pour avoir, dans ses écrits et ses leçons publiques, enseigné des doctrines contraires à la parole divine. En même temps ses ouvrages étaient prohibés sous les peines les plus sévères. Heureusement, il venait d'être appelé par le landgrave de Hesse-Cassel à l'université de Marbourg, où il se rendit aussitôt, et où il enseigna jusqu'en 1740. En 1736, le roi de Prusse, revenu a de meilleurs sentiments, grâce surtout aux représentations de quelques théologiens plus éclairés, chargea une commission d'examiner de nouveau les ouvrages du philosophe exilé; et, sur l'avis favorable de cette commission, il invita Wolf à revenir à Halle, sous les conditions les plus avantageuses. Il refusa, mais il dédia au roi la seconde édition de sa Philosophie pratique générale. Un des premiers actes de Frédéric II fut de rappeler Wolf à Halle, en 1740. Son retour fut un véritable triomphe; mais il ne retrouva pas, dans sa chaire, ses succès d'autrefois. Sa philosophie, cependant, était devenue dominante dans toute l'Allemagne; elle le resta jusqu'à l'avénement de Kant. Il mourut en 1754, comblé d'honneurs, et avec la réputation méritée d'un homme de bien. Il avait été nommé, successivement membre de l'Académie de Berlin, de la Société royale de Londres, de l'Académie des sciences de Paris, et de celle de Saint-Pétersbourg.
Dernière mise à jour:2009-06-22 23:42:02 |