Il passa toute sa vie, obscur et ignoré, dans la pratique des vertus évangéliques, et ses écrits mêmes ne furent publiés complétement qu'au commencement du xviie siècle ; mais l'instituteur Wincker en ayant fait connaître une partie immédiatement après sa mort, il s'éleva dès lors autour de son nom une bruyante controverse, les uns criant à l'impiété et au blasphème, les autres voyant en lui l'organe de la vraie foi et un des maîtres les plus profonds de la science intérieure. Weigel nous apprend lui-même comment il fut introduit dans ce qu'il appelle la bonne voie. Il était resté fidèle à la philosophie et à la théologie de l'école, lorsqu'il lut, par hasard, le petit livre de la Théologie germanique, et bientôt après les écrits de Tauler. Aussitôt ses yeux s'ouvrirent; il s'aperçut que le mensonge habitait en lui et qu'il n'y avait pas une chaire, dans près de la moitié de l'Europe, qui ne fût occupée par un faux prophète ou un faux chrétien. Mais, non content d'accepter le mysticisme dans son principe, il voulut remonter à son origine et le suivre dans toute son histoire. Il se mit donc à étudier les œuvres de Platon, de Plotin, de Proclus, du prétendu Mercure Trismégiste, de Denis l'Aréopagite, de Hugues de Saint-Victor et de maître Eckart. Il se sentit aussi du penchant pour les fondateurs de la secte des anabaptistes, Karlostadt, Münzer et d'autres ; mais de tous les écrivains, tant anciens que modernes, qui lui passèrent par les mains, aucun ne le frappa autant que Paracelse. Il le cite à chaque instant ; il le suit dans la plupart de ses doctrines, mais en gardant cependant son indépendance, et en s'élevant au-dessus de lui tant par la hardiesse métaphysique que par l'érudition. En abandonnant les vieilles traditions scolasliques, son dessein n'est pas de fonder une tradition nouvelle; il veut que tout homme qui aime la vérité la cherche par lui-même et la voie de ses propres yeux.
Dernière mise à jour:2009-06-22 01:52:04 |