La vie de Képler, comme son siècle, est une suite de vicissitudes extraordinaires et de luttes douloureuses : il a été, non-seulement un philosophe pratique, mais un sage, l'un des apôtres et des martyrs de la science moderne. Né en 1571 à Weil, dans le duché de Wurtemberg, contrée alors féconde en grands hommes, fils d'un capitaine pauvre, mais d'une noblesse très-ancienne, qui avait servi sous le duc d'Albe, et péri dans une bataille contre les Turcs, Kepler fut élevé d'abord dans le vieux cloître de Maulbrunn, puis dans l'université de Tubingue. Il ne devait étudier que la théologie, encore la science par excellence; mais le hasard, comme lui-même s'exprime, fatum quodpiam, le conduisit au cours de mathématiques de ce Moestlin qui, dans un voyage en Italie, avait gagné Galilée aux idées de Copernic. Mœstlin lui enseigna à la fois les mathématiques et la nouvelle astronomie. Il est probable que Képler puisa même dans ces leçons les germes de pythagorisme répandus en Souabe par Reuchlin, et dès l'origine accueillis favorablement par les coperniciens. En l594, il fut appelé a succéder au géomètre Stadius à Graetz, où il composa son premier ouvrage, intitulé Prodrome, ou Mystère cosmographique. Dans cet écrit, il se proposa de prouver que le Créateur, en arrangeant l'univers, avait pensé aux cinq corps réguliers inscriptibles dans la sphère, aux cinq planètes. La protection du duc de Wurtemberg, auquel le Prodrome était dédié, fut seule en état de préserver l'auteur des foudres d'excommunication par lesquelles les théologiens de Tubingue crurent devoir lui répondre. Ses anciens maîtres furent réduits à déclarer que sa doctrine était incompatible avec l'Écriture sainte, et le chancelier Hafenreffer, quoique bienveillant envers Képler, la condamna en soutenant que « le bon Dieu n'avait pas suspendu le soleil au centre du monde, comme on met une lanterne au milieu d'une salle. » Tracassé et inquiété à Graetz, Képler accepta, en 1600, l'invitation que TychoBrahé lui adressa au nom de Rodolphe II, et se rendit à Prague pour travailler au milieu de la cour impériale à la confection des Tables Rodolphines. Mais une longue chaîne de nouvelles calamités l'attendait en Bohême. Tycho-Brahé le tourmenta pour lui faire abandonner « les vaines rêveries » de Copernic; les confesseurs de Rodolphe II le tourmentèrent, pour lui faire abjurer la foi luthérienne; Rodolphe II lui-même, pour lui faire échanger l'étude de l'astronomie contre celle de l'astrologie. Les malheurs de la guerre qui le priva de ses honoraires, rendirent sa femme folle et le forcèrent à chercher un asile au collége de Linz. Là, il fut persécuté par ses propres coreligionnaires, parce que sa tolérance se refusait à damner les calvinistes. Bientôt après il fut obligé d'aller défendre sa mère accusée de sorcellerie et condamnée à la torture. Wallenstein le cacha pendant plusieurs années dans sa retraite armée. Enfin, il se rendit plein d'espérance à la diète de Ratisbonne, pour y réclamer les arrérages de son traitement, lorsqu'à peine arrivé, il mourut le 15 novembre 1630, laissant sa famille dans le même dénûment d'où il avait noblement tiré celle de Tycho-Brahé.
Dernière mise à jour:2009-02-23 13:26:08 |