Nous avons exposé la philosophie de Kant tout entière en parcourant les grands ouvrages qui en contiennent les diverses parties, et, pour ne pas interrompre cette exposition, nous avons écarté tous les ouvrages de moindre importance et tous les petits écrits destinés à préparer, défendre, expliquer ou appliquer à divers sujets les idées et les principes de la nouvelle philosophie ; mais nous allons maintenant indiquer ces ouvrages et ces écrits, en les rattachant à ceux que nous avons étudiés précédemment : on aura ainsi, dans cet article, un tableau complet de tous les travaux de Kant. Disons d’abord que, six années après la première édition de la Critique de la raison pure, Kant en publia une seconde, contenant une nouvelle préface fort curieuse, une introduction plus développée et un grand nombre de graves changements qu’il importe d’étudier, si l’on veut connaître à fond le développement de sa pensée ; c’est pourquoi nous indiquons ici cette nouvelle édition. Deux années après la publication de ce grand monument, qui, malgré son originalité et son importance, ne produisit pas d’abord une grande impression, Kant, sentant le besoin de rendre plus accessibles les idées qu’il voulait introduire dans la philosophie en les exposant sous des formes et en un langage plus simple et plus clair, écrivit dans ce but un petit ouvrage intitule Prolégomènes pour toute métaphysique future qui voudra être considérée comme une science, 1783, où, comme il le dit lui-même, il reprend sous une forme analytique ce qu’il a dû présenter dans la Critique sous une forme synthétique. Ce petit ouvrage se distingue en effet par une très-grande clarté, et il peut servir à la fois d’introduction et de résumé à la Critique de la raison pure. A la Critique de la raison pure il faut encore rattacher les écrits suivants : Qu’est-ce que s’orienter dans la pensée? 1786. Dans cet écrit, Kant a pour but de défendre la raison contre les attaques de Jacobi. — Même année : Quelques remarques sur l’examen fait par Jacob des matinées de Mendelssohn. Ces remarques furent envoyées par Kant à l’auteur de cet examen, qui défendait la philosophie critique attaquée par Mendelssohn. — Sur une prétendue découverte d’après laquelle toute nouvelle critique serait rendue inutile par une plus ancienne, 1791. C’est une réponse à Eberhard, qui avait prétendu que la philosophie de Leibniz rendait inutile la nouvelle critique ; Kant y explique comment sa propre théorie diffère, selon lui, de celle des idées innées, défendue par Leibniz. — Même année : De la non-réussite de tous les essais philosophiques de théodicée. Dans cette dissertation publiée dans le Recueil mensuel de Berlin, Kant prétendait montrer l’insuffisance de tous les moyens qu’on emploie ordinairement pour justifier la sainteté, la bonté et la justice de Dieu, et, en général, l’impuissance de la raison spéculative à résoudre dans un sens ou dans un autre toutes les questions que poursuit la théodicée, rappelant que la raison pratique a seule le droit de décider quelque chose à l’égard de l’existence et des attributs de Dieu, dont elle est en nous l’unique organe. En reproduisant ici cette conclusion, Kant en cherche la confirmation dans leLivre de Job : seul, le malheureux s’inclinant, sans les comprendre, devant les décrets de la volonté divine, trouve grâce devant Dieu par sa sincérité, tandis que les hommages hypocrites de ses amis sont rejetés. On voit là en même temps un exemple de cette interprétation morale des livres saints que développera la Critique de la religion. A cette même année appartient encore une dissertation sur un sujet proposé par l’Académie de Berlin : Quels ont été les progrès de la métaphysique en Allemagne depuis Leibniz et Wolf ; mais cette dissertation ne fut publiée que l’année même de la mort de Kant, en 1804, par Rink. — Du ton suffisant qui s’est élevé récemment en philosophie, 1794. Ce petit écrit est encore dirigé contre la philosophie de Jacobi, qui voulait substituer le sentiment à la raison et l’enthousiasme à la réflexion. — Même année : Annonce de la prochaine conclusion d’un traité de paix perpétuelle en philosophie, écrit à l’adresse de l’ami de Gœthe, Schlosser, qui avait attaqué violemment la philosophie critique. Il faut rapprocher de la Critique de la raison pratique un petit ouvrage qui est à cette critique ce que sont à celle de la raison pure les Prolégomènes pour toute métaphysique future, c’est-à-dire une sorte d’introduction analytique: ce sont les Fondements de la métaphysique des mœurs, publiés en 1783, cinq ans avant la Critique de la raison pratique. La méthode que Kant suit dans cet ouvrage et la clarté qu’il y a su répandre en rendent la lecture utile et intéressante. De la préface et de l’introduction de la Critique du jugement, il faut rapprocher un petit écrit intituléde la Philosophie en général, qui avait été composé pour servir d’introduction à une exposition de la philosophie critique entreprise par le professeur Sigismond Beck (17931796). Il a été publié par Starke dans son recueil des petits écrits de Kant et par les derniers éditeurs des œuvres complètes de ce philosophe, Rosenkranz et Schubert. — A la seconde partie de la Critique du jugement, c’est-à-dire à la Critique du jugement téléologique, on peut rattacher une dissertation écrite deux années auparavant, en 1788 : de l’Usage des principes téléologiques en philosophie. Autour de la Métaphysique des mœurs viennent se grouper divers petits écrits : une Critique d’un ouvrage de Schulz, prédicateur à Gielsdorf, intitulé : Instruction sur la morale de tous les hommes sans distinction de religion, 1784 ; — de l’Illégitimité de la contrefaçon littéraire, 1785; — du Principe du droit naturel proposé par Hufeland, 1786; — Sur cette locution proverbiale : Cela peut être juste en théorie, mais ne vaut rien dans la pratique, 1792; — du Prétendu droit de mentir par humanité, 1797 ;— Sur la librairie, deux lettres à Nicolaï, 1798; — Projet philosophique d’un traité de paix perpétuelle, 1795. Cette idée d’une paix perpétuelle couronne, comme on l’a vu, la Doctrine du droit de Kant ; le petit écrit que nous citons est à la fois sérieux et piquant. — Indiquons ici unTraité de pédagogie, qui est un résumé des leçons faites par Kant sur ce sujet, et qui fut publié par Rink en 1803, sur l’invitation du professeur. Ce traité complète le système moral de Kant. A la Critique de la religion on peut joindre une dissertation insérée dans le Recueil mensuel de Berlin, en 1786, sous ce titre : Commencements probables de l’histoire des hommes. Dans cette dissertation, Kant suit le récit de la Genèse, mais en l’interprétant d’une manière philosophique, et en cherchant à en faire sortir une histoire probable des premiers temps de l’espèce humaine. —- Nous avons dit que la publication de la Critique de la religion avait suscité à Kant des difficultés. On trouvera des renseignements curieux à ce sujet dans la préface d’un petit ouvrage intitulé Lutte des facultés, 1798. Kant y publia la lettre qu’il avait reçue du roi Frédéric-Guillaume II, mort à cette époque, et la réponse qu’il y avait faite; et, dégagé par la mort du roi de la parole qu’il avait donnée, il entreprit dans l’ouvrage même de traiter la question des rapports de la philosophie avec la théologie : il subordonne la seconde à la première, et réclame pour celle-ci une absolue indépendance. Cet ouvrage n’est pas restreint d’ailleurs à cette question, et on peut le citer comme un des petits écrits les plus curieux et les plus importants de Kant. A côté des Lecons de géographie physique et du traité d’Anthropologie pratique, que nous avons cités, il faut placer plusieurs petits écrits sur diverses questions de physique, d’anthropologie et même de philosophie de l’histoire : car, quoique Kant n’ait écrit aucun grand ouvrage sur cette branche intéressante et nouvelle de la philosophie, un esprit aussi curieux et aussi original n’y pouvait rester étranger. Indiquons ces divers écrits suivant l’ordre chronologique; nous compléterons par ces indications la liste des écrits de Kant : Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique, 1784. — Même année : Réponse à la question : Qu’est-ce que les lumières? — Sur les volcans de la lune, 1785. — Même année : Détermination du concept d’une race humaine (il faut rapprocher de cette dissertation le programme publié par Kant en 1775, sur les diverses races humaines ; c’est pour repondre à des objections soulevées par cette dissertation que fut écrite celle que nous avons citée plus haut : de l’Usage des principes téléologiques). — Même année : Critique de la première partie des idées de Herder sur la philosophie de l’histoire de l’humanité. — L’Enthousiasme et ses remèdes, 1790. Ce sont des remarques envoyées à Borowski au sujet du livre qu’il écrivait sur Cagliostro. — L’Influence de la lune sur le temps, 1794. — Même année : la Fin de toutes choses. — Lettre à Sommering sur l’organe de l’âme, 1796. — Citons encore une fois le petit ouvrage intitulé Lutte des facultés, pour la dissertation écrite en réponse au professeur Hufeland, et introduite ici sous ce titre : De la puissance que possède l’âme de surmonter ses douleurs par sa seule volonté, et pour celle que Kant y a également insérée sur cette question : Si le genre humain est en progrès constant. Aux ouvrages que Kant laissa à ses disciples le soin de publier, il faut ajouter la Logique, publiée par Jaesche en 1800. C’est le résume des leçons que Kant faisait sur cette branche de la philosophie, en prenant pour texte la logique de Meier. L’introduction est un remarquable morceau de philosophie générale. Enfin, en 1817, M. Poelitz publia des Leçons de Kant sur la doctrine philosophique de la religion,d’après des notes prises au cours du professeur; en 1821 il publia, aussi d’après des notes, des Leçons sur la métaphysique.
Dernière mise à jour:2009-03-10 00:47:53 |