Si l'unité est la condition universelle de la pensée, nous sommes obligés d'y voir aussi la condition universelle de l'existence, puisque nous ne pouvons connaître ce qui est que par les lois et les facultés de notre intelligence. En effet, un être n'existe pour nous qu'autant qu'il se distingue de tous les autres, qu'il est et demeure lui-même, c'est-à-dire qu'il forme une unité. De là vient que certains philosophes de l'antiquité, comme ceux qui ont formé les écoles d'Élée et de Mégare, ont confondu dans une seule idée l'unité et l'être, et, assimilant de la même manière la multitude ou la diversité au néant, ont été conduits à n'admettre qu'un être unique, l'être absolu, et à considérer la nature comme une vaine apparence. Mais c'était prendre une abstraction pour une réalité; car l'unité n'est qu'un des caractères, une des conditions de l'existence, elle n'est pas l'existence même; pas plus qu'elle n'est l'intelligence ou la pensée, bien qu'elle soit la condition de toutes les opérations de l'intelligence. L'unité détachée de toute autre idée, de tout autre attribut, n'est qu'un mot vide de sens. Puis, on ne conçoit pas plus l'unité en général que l'existence en général ou l'être en général. Toute unité est nécessairement déterminée, elle est telle ou telle unité, et non pas une autre, comme tout ce qui est est tel ou tel être défini par la raison ou par l'expérience.
Dernière mise à jour:2009-06-03 00:29:34 |